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Idée reçue n°20 – « Si les Etats donnaient plus d’argent, la pauvreté pourrait être éliminée. »

Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !

Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.

Gwladys (Radio Arc-en-Ciel) : L’aide publique au développement, qu’est-ce que ça désigne ?

Nicolas (SEL) : L’APD – l’aide publique au développement – peut se définir classiquement comme étant l’aide financière que les États des pays développés apportent aux pays en développement. Il peut s’agir à la fois de dons mais aussi de prêts à des conditions favorables.

Les ONG humanitaires affirment régulièrement que les États ne donnent pas assez d’argent justement pour faire face à la pauvreté dans le monde. C’est bien leur rôle finalement aux ONG de faire ce type de déclaration ?

Quand on dit que le montant de l’APD n’est pas suffisant, il faut se demander par rapport à quoi l’on fait ce constat. On pourrait se dire que la position des ONG est éminemment subjective comme le laisse entendre votre question. De toute façon, les ONG en veulent toujours plus. Seulement, ce n’est pas tout à fait exact. Leur revendication repose aussi sur un critère objectif. Depuis 1970, les Nations unies encouragent les États riches à consacrer 0,7 % de leur Revenu National Brut pour l’APD.

Malheureusement, peu nombreux sont les États qui tiennent vraiment cet engagement.

Oui, il y a des progrès à faire à ce niveau. Pour l’exemple, les crédits accordés par la France pour l’APD ont diminué pour la quatrième année consécutive et ils ne représentent actuellement que 0,36 % de son revenu national brut. On est bien loin des 0,7 %. Mais bien que les ONG soient conscientes qu’on ne peut pas tout attendre des États, elles sont nombreuses à réclamer justement à ce qu’il y ait une augmentation de ce montant de l’aide publique au développement.

Quels sont les arguments que les ONG mettent en avant pour pousser à cette augmentation ?

Dans son analyse du programme de loi de finances 2014, Coordination Sud – le regroupement national des ONG françaises de solidarité internationale – met notamment en garde contre le fait que si les États ne respectent pas leurs engagements, cela risquerait d’entraîner « un effet domino chez les autres bailleurs et de créer des effets encore plus néfastes pour les pays les plus pauvres ».

On peut alors dire que si les États donnaient plus d’argent, la pauvreté reculerait considérablement ?

Il faut rester mesuré. L’APD est importante c’est vrai, notamment en raison de son effet de levier, mais ses montants restent vraiment minimes par rapport aux transferts d’argent des travailleurs émigrés ou aux investissements directs à l’étranger des entreprises. Bien qu’essentielle, l’APD ne représente finalement que l’un des flux de capitaux reçus par les pays en développement.

Et puis l’on ne peut pas raisonner non plus qu’en termes quantitatifs…

Effectivement, au-delà de la quantité, c’est vraiment la qualité qui importe et l’utilisation qui est faite des fonds alloués au développement. Il y a aussi un besoin de cohérence avec les autres politiques qui sont menées, qu’elles soient économiques ou migratoires. En effet, il peut être positif que les pays du Nord aident financièrement ceux du Sud mais si les pays en développement voient leurs intellectuels partir au Nord comme en témoigne le phénomène de « fuite des cerveaux », cela les affaiblit aussi. C’est ainsi qu’un certain nombre d’économistes comme le nouveau Prix Nobel 2015, Angus Deaton, pointent le besoin de cohérence et peuvent se montrer assez critiques finalement vis-à-vis de l’aide publique au développement.

L’aide publique au développement joue un rôle moteur en quelque sorte. Elle impulse une dynamique de développement et entraîne et oriente d’autres investissements. L’APD n’est pas suffisante en soi mais elle reste nécessaire.

Pour aller plus loin : Jean-Michel Severino & Jean-Michel Debrat, Idées reçues sur l’aide au développement, Le Cavalier Bleu, 2010.

Olivier Charnoz & Jean-Michel Severino, L’aide publique au développement, La découverte, 2015.

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