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Idée reçue n°40 – « La colonisation est responsable du sous-développement de l’Afrique. »

Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !

Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.

Gwladys (Radio Arc-en-Ciel) : La colonisation est encore un sujet délicat de nos jours. Peut-on commencer en précisant de quoi l’on parle quand on évoque ce terme ?

Nicolas (SEL) : Pour en rester à une explication qui ne soit pas trop complexe, on peut définir la colonisation comme des mouvements de population qui s’en vont contrôler d’autres territoires. Si ce phénomène est très ancien, c’est dans la deuxième moitié du XIXe siècle qu’il connaît un renouveau avec ce que l’on a pu qualifier de partage du monde de la part des puissances européennes. Plus encore que le sujet de la colonisation lui-même, c’est la question de son héritage qui fait débat et qui fait parfois polémique.

Pour beaucoup, la colonisation est responsable du sous-développement. Sur quoi fondent-ils ce discours ?

C’est une opinion qui est assez partagée effectivement quand on parle du legs de la colonisation. Un historien du nom de Walter Rodney a participé à la populariser notamment avec un ouvrage qui a fait date lors de sa sortie en 1972 et qui s’intitulait « Et l’Europe sous-développa l’Afrique ». L’idée qui était derrière est que le retard de l’Afrique est en totalité dû au comportement des occidentaux et en particulier des européens. Il cherchait alors à expliquer comment le commerce des esclaves, le colonialisme et le néo-colonialisme ont volé à l’Afrique son développement.

Ce qui n’est pas tout à fait faux ?

Pas complètement mais il faudrait peut-être le relativiser un peu. Je m’explique. Il faudrait effectivement être de mauvaise foi pour dire que la colonisation n’a eu aucune incidence sur les pays qui en ont été victimes. Pour autant, certaines études appellent à la prudence. On peut penser notamment au travail de l’historien Paul Bairoch qui relativise l’idée très répandue selon laquelle la domination coloniale a abouti au pillage de l’Afrique en soulignant que le développement de l’Europe s’est avant tout fait à partir de matières premières d’origine européenne. D’autres économistes tempèrent aussi en attirant l’attention sur le fait qu’à la fin de la période coloniale, le revenu par habitant en Afrique était supérieur à celui en Asie.

La colonisation ne serait alors pas tellement responsable du sous-développement de l’Afrique ?

Il ne s’agit pas de nier les effets qu’aurait pu avoir la colonisation mais l’idée est de mieux les comprendre et de mieux les mesurer. Si à certains égards, la colonisation a pu handicaper le développement de l’Afrique en raison notamment du fait que le prix des produits était fixé par la métropole par exemple, il semblerait que davantage encore le problème de la colonisation est qu’elle n’a pas permis aux territoires occupés de s’équiper pour faire face à la concurrence et pour s’émanciper de la tutelle coloniale. C’est ainsi que depuis leur indépendance il y a 50 ans les différents pays africains n’ont dans leur ensemble pas réussi à décoller économiquement.

Quel bilan peut-on faire pour conclure ?

L’idée d’un pillage de l’Afrique est à relativiser. Pour autant, la colonisation a une part de responsabilité dans le sous-développement de l’Afrique. Peut-être davantage dans ce qu’elle a laissé comme héritage au continent que dans ce qu’elle a été elle-même. Et si cette part de responsabilité doit être reconnue, il y en a d’autres qu’il ne faut pas forcément passer sous silence. On peut notamment penser au néo-colonialisme et à l’action des multinationales mais aussi à la responsabilité que les africains eux-mêmes peuvent avoir désormais dans la situation de leur continent…

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