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Idée reçue n°9 – « Il n’y a pas de développement sans démocratie. »

Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !

Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.

Gwladys (Radio arc-en-ciel) : Développement et démocratie sont souvent présentés comme allant de pair, que ce soit en pratique ou en théorie. On va peut-être commencer par la pratique d’abord.

Nicolas (SEL) : Oui. En pratique, l’action du FMI – le Fond monétaire international – a souvent couplé développement et démocratie. Le FMI conditionne souvent l’octroi de ses aides au respect par les pays bénéficiaires de certains principes. En échange des prêts avantageux qu’il peut faire, les pays aidés s’engage alors à respecter en contrepartie des principes démocratiques et des droits fondamentaux.

Et ensuite, en théorie ?

En théorie, de nombreuses personnes – et en particulier les grands défenseurs de l’idéal démocratique – n’hésitent pas à faire de la démocratie une condition à tout développement économique. Pour eux, il ne peut pas y avoir de développement sans démocratie préalable.

Quelles sont les arguments avancés en ce sens ?

Deux choses principalement. La première, c’est qu’en démocratie les gouvernements sont responsables devant le peuple. Ils doivent alors tenter de répondre au mieux aux besoins des populations (qu’il s’agisse de nourriture, d’eau, de soins médicaux, d’éducation…) au risque sinon d’être sanctionné lors des prochaines élections.

Et deuxièmement peut-être, les exemples du passé…

S’il ne fait pas de doute que certains États totalitaires sont parvenus par le passé à mettre en œuvre de puissants leviers de développement au sein de leur société, il arrive souvent qu’à un moment dans le stade du développement on ait besoin de l’adhésion et de la participation du plus grand nombre. Et là, la démocratie a cet avantage indéniable de favoriser la représentation d’intérêts divers en facilitant les processus de négociation.

Alors, s’il semble y avoir un certain lien entre démocratie et développement, cette relation n’est ni directe ni systématique ?

C’est vrai. Surtout que certains facteurs liés à la démocratie peuvent aussi être défavorables au développement. Les changements de dirigeants qui se font à échéance régulière en démocratie ne permettent pas toujours d’engager des politiques de long terme. Alors qu’on a pu le voir avec l’URSS par exemple, un régime totalitaire peut mettre en place lui par contre des planifications…

On voit là que ça n’est pas toujours facile de quantifier l’apport de certains facteurs politiques. Mais concrètement, que montrent les faits dans ce domaine ?

L’histoire contemporaine ne manque pas d’exemples de pays non démocratiques ayant connu un formidable décollage économique, surfant au choix sur leur dotation en matières premières (on peut penser aux pétromonarchies du Golfe) ou sur la maîtrise de nouvelles industries concurrentielles. La Chine, première puissance économique mondiale depuis peu, est ainsi loin d’être un exemple de vertu démocratique. Et à l’inverse, de trop nombreux États considérés comme des références démocratiques, comme le Mali, demeurent dans le bas du classement de l’indice de développement humain.

Qu’est-ce qu’on peut alors retenir du lien entre démocratie et développement ?

Le développement n’a pas besoin de démocratie pour naître et exister, quand bien même l’alliance des deux peut devenir utile quand on cherche à l’inscrire dans le temps. C’est à ce niveau là véritablement que la démocratie peut jouer.

Alors on aurait tort de faire la promotion de la démocratie en la présentant comme un préalable au développement. La démocratie est surtout une valeur qui doit être défendue comme telle ! Elle n’est ni un moyen, ni une condition et cet amalgame peut même être au contraire contre-productif.

Pour aller plus loin : Jean-Michel Severino & Jean-Michel Debras, Idées reçues sur l’Aide au développement, Le Cavalier Bleu, 2010.

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