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Sarah Mayala : « Les femmes ont du potentiel et des compétences ! »

Cette jeune femme est la nouvelle directrice exécutive du CEPROMOR & AEPH qui accompagne depuis près de 30 ans des communautés en République démocratique du Congo vers l’autonomie. Lors de notre dernier voyage de suivi, nous n’avons pas pu résister à l’envie d’en savoir plus sur sa vision du développement des femmes en Afrique.

Propos recueillis par Véronique Lavoué, Directrice des Projets de développements au SEL.

SEL : Pouvez-vous commencer par nous résumer les actions menées par le CEPROMOR ?

Sarah Mayala : Les domaines d’intervention principaux du CEPROMOR & AEPH[1] sont l’eau, l’hygiène et l’assainissement (WASH), la sécurité alimentaire, la santé et l’agroforesterie. Nous travaillons principalement dans la zone de santé de Sona Bata, mais aussi à Nselo et dans d’autres aires de santé. 

D’après vous, en quoi les situations de pauvreté touchent plus particulièrement les femmes ?

La femme vit dans une communauté rurale où le poids de la coutume et de la culture pèsent sur elle. Elle est d’office exclue au sein de cette société : elle ne bénéficie ni d’éducation, ni de ressources, ni de certains avantages dont bénéficient les hommes. 

Elle n’a donc pas confiance en elle et se met en seconde position – non même en dernière position – et se dit qu’elle est incapable de faire quelque chose. Les hommes, de leur côté, disent que la place de la femme est dans la cuisine, c’est de rester à la maison… La femme se sent donc incapable de faire quoique ce soit pour développer la société. C’est pourquoi, elle est directement touchée par la pauvreté. 

Quel est le quotidien des femmes en milieu rural en RDC ?

En milieu rural, c’est plutôt la femme qui s’occupe des travaux ménagers, c’est elle qui va puiser de l’eau en source pour la ramener à la maison, c’est elle qui va aux champs ou encore qui s’occupe des enfants. 

Le soir quand elle revient à la maison après les champs, elle doit encore faire à manger pour le foyer et n’a pas de temps pour elle-même. Elle ne fait que de s’occuper de son ménage, de son mari et de ses enfants. Elle souffre beaucoup. 

À quels types de difficultés font-elles face ?

La distance entre les lieux d’habitations et la source est très longue. Or la femme est obligée de la parcourir parfois deux fois par jour. Cette route est pleine de dangers et la femme peut être violée. 

Et dans certains villages, toutes les conditions ne sont pas remplies dans les centres de santé ou les hôpitaux pour que les femmes accouchent dans de bonnes conditions. Donc ces femmes donnent la vie, et parfois elles perdent la vie en accouchant, ce qui est inacceptable. 

Comment au sein du CEPROMOR & AEPH, considérez-vous les femmes comme actrices clés du développement ?

Comme on le dit souvent au Congo : « Éduquer une femme, c’est éduquer une société ». En effet, puisque la femme s’occupe de l’éducation de la maison, si elle n’est pas instruite les enfants ne le seront pas non plus. Nous considérons donc que la femme est vraiment actrice du développement d’une société, d’un ménage. 

En milieu rural, il suffit de booster ces femmes-là, de les pousser, de les former. Elles ont du potentiel et des compétences, mais elles se sentent inutiles à cause de ce que la société véhicule. En travaillant avec les femmes, en les mettant en première position, en mettant à leur dispositions les ressources dont elles ont besoin pour entreprendre, pour mettre en place une activité… nous voyons une évolution dans leur vie et au sein des communautés. 

Avez-vous un exemple ?

Je pense à une femme avec qui nous travaillons, Maman Mayi. Son histoire est époustouflante. Elle a été abandonnée par son mari et s’est retrouvée sans rien pour payer le loyer et prendre en charge les enfants. En faisant des enquêtes à Sona Bata, nous l’avons ciblée parmi les femmes à accompagner. Nous sommes partis de ses compétences pour l’aider à remonter la pente. Elle a été formée aux techniques agricoles et en tant qu’animatrice nutritionnelle[2] et relais communautaire[3]

Aujourd’hui Maman Mayi fabrique et vend du chikwangue[4]. Grâce à cette activité, elle a pu s’acheter une maison et prendre en charge ses enfants. Voilà un exemple touchant : cette femme a pris les choses en main et s’est dit qu’elle devait saisir cette opportunité et ne pas abandonner. 

Le fait d’être une organisation chrétienne fait-il une différence dans votre travail ?

Les communautés avec lesquelles nous travaillons pratiquent plutôt les religions traditionnelles, raison pour laquelle certaines religions ou organisations ne vont pas là-bas. Le fait que le CEPROMOR & AEPH, en tant qu’organisation chrétienne, accepte de travailler avec elles, ça fait toute la différence.  

Elles sentent que nous leur témoignons de l’amour. En ne faisant pas de discrimination, nous prenons exemple sur Jésus durant son ministère sur terre : il n’a pas fait de discrimination, il a considéré tout le monde au même niveau et a aidé tout le monde. 

Pour aller plus loin

Accompagnez nos partenaires locaux chrétiens dans leurs actions pour faire reculer la pauvreté, en participant au Fonds Afrique. Pour cela, cliquez ci-dessous :

 

Je participe au Fonds Afrique

 

Notes

[1] Centre pour la Promotion du Monde Rural & Action Évangile et Promotion Humaine. 

[2] Personne chargée de sensibiliser les mamans à la malnutrition et de les accompagner vers une meilleure alimentation pour leurs enfants. 

[3] Personne chargée de faire de la sensibilisation au sein de leur communauté. 

[4] Plat traditionnel congolais, à base de manioc fermenté.