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Agir face à la pauvreté : en raison de l’amour du prochain [3/4]

Finalement, en tant que chrétiens, pourquoi lutter contre la pauvreté ? Voici une série de 4 articles qui donneront différents éléments de réponse.

Dans son hymne à l’amour, l’apôtre Paul écrit : « Quand je distribuerais tous mes biens, quand même je livrerais mon corps pour en tirer fierté, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert à rien. » (1 Corinthiens 13.3) Après avoir considéré l’importance de mettre en rapport notre attitude face à la pauvreté avec ce que nous croyons de Dieu et ce que nous croyons des humains, il nous faut considérer l’amour véritable comme un élément clé à prendre en compte lorsque l’on se demande pourquoi le chrétien devrait se mobiliser face à la pauvreté.

Amour et volonté

Il existe une tendance aujourd’hui à rattacher l’amour prioritairement au domaine des sentiments. « J’aime quelqu’un » veut alors dire : « Je ressens quelque chose pour lui. » C’est peut-être pour cette raison que certains pourraient trouver ridicule de parler d’amour en relation avec notre action envers les pauvres : ce n’est pas d’amour dont les pauvres auraient besoin, de bons sentiments, mais de justice, de respect de leurs droits – et aussi de professionnalisme dans les actions dont ils bénéficient.

Il est intéressant de savoir que la tradition chrétienne a plutôt eu tendance à rattacher l’amour au domaine de la volonté et du don de soi. Bien sûr, en temps normal, les sentiments vont avec la volonté – mais il arrive que nos sentiments d’amour fluctuent sans que cela implique que notre choix d’aimer ait à fluctuer lui aussi. Dieu met des gens sur notre chemin – des personnes qu’il appelle « ton prochain » – et il nous dit : « Fais le choix de leur faire du bien. » La loi de Moïse donne un grand nombre d’exemples comme celui-ci : « Lorsque tu verras l’âne de celui qui a de la haine pour toi succomber sous sa charge, et que tu hésiteras à le décharger, tu le déchargeras avec lui. » (Exode 23.5) Les sentiments ont peut-être du mal à venir, mais l’acte doit être là, même s’il me coûte !

Les deux grands commandements

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Matthieu 22.39) Dans la bouche de Jésus, il s’agit du deuxième commandement le plus important de la loi. Alors que la pensée contemporaine oppose amour et devoir et considère que l’amour ne peut pas se commander, on pourrait dire que pour la Bible s’il y a bien une chose qui est commandée c’est l’amour, et que l’amour est le principal, voire le seul devoir et que les autres commandements ne sont que des explications pratiques de ce que signifie aimer. « Aime, et fais ce que tu veux » disait Saint Augustin.

Les Évangiles montrent en Jésus le modèle parfait de la compassion. Comme le dit Marthe Girard qui travaille dans une structure burkinabè partenaire du SEL : « Pour moi, la vie du Christ est le meilleur modèle. Il est celui qui allait avec tout le monde, il ne jugeait personne. Voyez la femme que l’on voulait lapider parce qu’on l’avait prise en flagrant délit d’adultère. Le Christ n’était pas seulement un homme de prière : il était pratique. Il allait partout. Et en même temps il avait aussi une relation très profonde avec Dieu. Il savait à la fois s’isoler pour prier et aller vers les gens. Il allait vers n’importe qui : les boiteux, les lépreux, les aveugles, les prostituées… il accueillait tout le monde. » En Christ, l’amour pour Dieu et l’amour pour le prochain étaient à la fois distincts et inséparables.

Les humains et pas seulement les chrétiens

Jésus a reformulé le commandement de l’amour du prochain dans la fameuse « règle d’or » : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, vous aussi, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes. » (Matthieu 7.12)

En parlant explicitement des hommes (= des humains) et non pas uniquement des chrétiens, Jésus nous oblige à sortir des murs de nos églises pour aller dans la société. Il ne s’agit pas de nier que nous avons une responsabilité particulière à l’égard de « ceux qui partagent notre foi » (Galates 6.10), mais de nous ouvrir à tous ceux que Dieu met sur notre chemin.

Dans la règle d’or, Jésus fait appel à notre réflexion, à notre imagination et à notre capacité à nous identifier avec notre prochain. C’est déjà ce à quoi nous invitait le commandement de l’amour du prochain : il faut l’aimer comme toi-même. Le « prochain », par définition, nous est « proche », il n’est pas quelqu’un dont nous puissions nous désolidariser ou que nous puissions tenir à distance. Il est « ta propre chair » dit Ésaïe (58.7). En lien avec la pauvreté, la question nous est lancée : que voudrions-nous que l’on fasse pour nous si nous étions pauvres ?

Une attention particulière pour les pauvres

Ceux qui vivent dans la pauvreté sont particulièrement susceptibles d’être négligés. L’amour pour le prochain trouve à s’exprimer d’une manière spéciale face à la pauvreté :

  • « L’homme dont le regard est bon est béni, parce qu’il donne de son pain au pauvre. » (Proverbes 22.9)
  • « Jésus dit aussi à celui qui l’avait invité : Lorsque tu donnes à dîner ou à souper, ne convie pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni des voisins riches, de peur qu’ils ne t’invitent à leur tour et que ce ne soit ta rétribution. Mais lorsque tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles. Et tu seras heureux, puisqu’ils n’ont pas de quoi te rétribuer ; car tu seras rétribué à la résurrection des justes. » (Luc 14.12-14)

L’action envers les pauvres devrait être l’occasion par excellence d’entrer avec mon prochain dans une relation d’« amour comme don de soi » qui ne soit pas au service de mon intérêt, qui ne rentre pas dans le jeu du « donnant-donnant » si courant au sein des sociétés humaines. C’est pourquoi il est aussi particulièrement pervers de faire de l’action contre la pauvreté le moyen de se faire bien voir, en « sonnant de la trompette » lorsque l’on fait l’aumône (cf. Matthieu 6.1-4).

Conclusion

Pourquoi agir face à la pauvreté ? Quand on considère ce que la Bible dit de l’amour du prochain, on ne peut manquer de voir dans les situations de pauvreté l’un des domaines privilégiés où nous sommes appelés à manifester cet amour.

En savoir plus sur l'auteur
Daniel Hillion
Directeur des études au SEL