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Idée reçue n°23 – « Pour nourrir le monde, il faut miser sur les grandes exploitations industrielles. »

Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !

Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.

Gwladys (Radio Arc-en-Ciel) : Aujourd’hui, on va parler d’agriculture. Et quand il s’agit de nourrir le monde, l’agriculture familiale a tendance à souffrir d’une mauvaise image…

Nicolas (SEL) : L’agriculture familiale se caractérise par le lien profond qui unit une exploitation à une famille. Pourtant, derrière ce terme général, il existe une diversité de réalités. Si certaines exploitations familiales peuvent avoir une taille importante, 84 % d’entre elles ont quand même une surface inférieure à deux hectares. Ce type d’agriculture souffre alors assez souvent d’une image négative aux yeux des décideurs politiques des pays du Sud et des donateurs des pays du Nord. Elle est notamment associée à l’idée d’archaïsme et de faible efficacité économique.

C’est la raison pour laquelle ces dernières années le choix a plutôt été fait de favoriser les grandes exploitations industrielles pour tenter de nourrir la population mondiale ?

Certains États estiment effectivement que ce serait plus simple et plus rapide d’industrialiser la production agricole. Ils voient dans cette stratégie une réponse au manque de moyens financiers qui sont nécessaires à la modernisation des exploitations familiales des pays en développement. C’est ainsi que les petites exploitations ont été les grandes oubliées de ces trente dernières années. Les investissements agricoles ont davantage cherché à favoriser les grandes filières agroindustrielles destinées à l’exportation, au détriment de l’essor des marchés locaux et des infrastructures nécessaires au développement et à la consolidation de l’agriculture familiale.

Pourtant, les résultats ne semblent pas forcément au rendez-vous ?

En effet, le bilan est loin d’être parfait. L’agriculture industrielle est une grande utilisatrice de produits chimiques et d’eau. Par conséquent, elle pose un véritable souci en matière de respect de l’environnement. Elle n’a pas non plus fait ses preuves pour résoudre le problème de la faim car elle néglige les petits producteurs locaux quand elle ne les affaiblit pas. D’ailleurs, la FAO – l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture – rappelle qu’une des clés de la sécurité alimentaire et du développement rural durable réside dans les exploitations agricoles familiales.

C’est pour cette raison qu’elle avait déclaré 2014 : année internationale de l’agriculture familiale ?

Oui. Son objectif était de mieux faire connaître l’importance de l’agriculture familiale dans la lutte contre la faim. Il s’agit quand même de la première forme d’agriculture dans le monde avec près de 9 exploitations sur 10 qui sont gérées par des familles . L’agriculture familiale emploie aujourd’hui près de 40 % des actifs dans le monde et elle fournit à l’humanité près de 80 % de son alimentation.

Pourtant, ça n’empêche malheureusement pas les petits exploitants d’être les premiers concernés par la faim.

C’est vrai. C’est tout le paradoxe. Sur les 795 millions de personnes qui souffrent encore de la faim dans le monde, 70 % sont des petits producteurs de nourriture. Leurs difficultés sont liées pour l’essentiel à l’absence de politiques publiques les concernant, voire parfois à des politiques qui leur sont défavorables. Une meilleure considération et un soutien plus important à l’agriculture familiale sont alors essentiels pour garantir la sécurité alimentaire.

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