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Idée reçue n°30 – « Les 1% les plus riches possèdent plus que le reste du monde. »

Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !

Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.

Gwladys (Radio Arc-en-Ciel) : Aujourd’hui, on va parler d’une étude de l’ONG Oxfam qui est sortie au mois de janvier et qui a été reprise dans de nombreux médias. Que peut-on en dire ?

Nicolas (SEL) : Oxfam est une confédération internationale de 17 organisations qui travaillent ensemble afin de mettre fin aux injustices qui causent la pauvreté. Chaque année, elle publie au mois de janvier une étude sur l’évolution des inégalités dans le monde. Le moment choisi n’est pas anodin. En effet, la publication de l’étude se fait juste avant la tenue du forum économique mondial de Davos qui réunit les plus grands chefs d’État et dirigeants d’entreprises.

Quels sont les résultats qui sont avancés par l’étude d’Oxfam en 2016 ?

Le chiffre clef avancé par le rapport est que le patrimoine cumulé des 1 % les plus riches du monde a dépassé l’an dernier – en 2015 – celui des 99 % restants. Autrement dit, les 1 % les plus riches possèdent plus que le reste du monde ! Le constat qui est dressé se veut impressionnant. Mais au-delà, ce qui est intéressant de remarquer c’est que cette situation s’est réalisée un an plus tôt que ce qui avait été prévu. En 2015 au lieu de 2016.

Les inégalités tendent à s’accroitre plus vite que prévu ?

C’est ce que cherche à montrer le rapport en tout cas. L’autre chiffre choc qui est mis en avant est que : « les 62 personnes les plus riches possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale ». Il y a 5 ans, ce n’était pas les 62 personnes les plus riches mais les 388. Les inégalités tendraient donc à s’accroître fortement…

Que peut-on dire de l’étude ? Est-elle fiable ?

Oxfam reprend l’essentiel de ses données d’une étude qui est faite chaque année par le Crédit Suisse. Or, on peut effectivement faire le constat qu’il existe plusieurs partis pris à cette étude. Deux principalement. Le premier, c’est que certains pays, en particulier les PMA (les pays les moins avancés), manquent de données statistiques fiables. Ce qui complique la tâche pour effectuer les calculs et oblige à faire quelques approximations.

Le second ?

Le second parti pris est peut-être plus important encore. Il réside dans le fait que le Crédit Suisse – comme Oxfam – se base sur la notion d’actif net : ce que l’on possède, moins les dettes. Cette méthodologie a alors un gros défaut puisque pour prendre un exemple : un étudiant occidental qui se sera endetté pour payer ses études sera considéré comme plus « pauvre » qu’un salarié africain qui gagne très peu mais n’a pas d’endettement. L’an dernier, un économiste relevait alors qu’avec ce mode de calcul « la personne la plus pauvre du monde n’est pas un Africain affamé mais bien Jérôme Kerviel ».

Faut-il alors rejeter les conclusions de l’étude d’Oxfam ?

Si l’étude d’Oxfam connaît quelques limites, il ne faut pas pour autant rejeter en bloc ses conclusions. Ce serait trop facile. On peut la nuancer mais il n’y a pas de méthodologie parfaite pour mesurer les inégalités. Celle utilisée par Oxfam a au moins le mérité d’être transparente. Le fait que l’étude soit réalisée chaque année permet aussi de faire des comparaisons dans le temps qui, elles, sont bien valables. Et puis d’autres études témoignent de la forte concentration de richesses aux mains d’une part réduite de la population. On peut penser notamment au travail important et salué de l’économiste français Thomas Piketty.

Pour aller plus loin : Samuel Laurent, Pourquoi l’étude d’Oxfam est à prendre avec précaution, LeMonde.fr, 19 janvier 2016.

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