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Idée reçue n°18 – « Le FMI et la Banque mondiale sont responsables de la faillite des pays du Sud. »

Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !

Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.

Gwladys (Radio Arc-en-Ciel) : Le FMI,  la Banque mondiale… ces institutions finalement elles existent depuis combien de temps et comment avaient-elles été créées ?

Nicolas (SEL) : Le FMI (le Fonds monétaire international) et la Banque mondiale – qui s’appelait alors la Banque internationale pour la reconstruction et le développement – ont tous deux été créés à la suite de la conférence internationale qui s’est réunie à Bretton Woods aux Etats-Unis en juillet 1944. C’est la raison pour laquelle ces deux organismes sont aussi connus sous le nom d’institutions de Bretton Woods. Fruit du contexte de leur époque, les accords avaient pour ambition d’établir un cadre de coopération et de développement économiques qui jetterait les bases d’une économie mondiale plus stable et plus prospère .

Des missions qui ont un peu évolué au fil du temps, non ?

C’est exact. Initialement, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement avait été instituée pour faire face à la reconstruction du Japon et de l’Europe suite à la seconde guerre mondiale. Puis elle a progressivement orienté son action vers l’appui au développement économique à long terme et à la lutte contre la pauvreté. Quant au FMI, chargé de garantir la stabilité du système monétaire international, il complète désormais l’action de la Banque mondiale en prodiguant conseils et prêts aux pays en difficulté.

Paradoxalement, ces institutions financières internationales sont pourtant souvent pointées du doigt comme étant responsables de la faillite des pays du Sud. Qu’en est-il vraiment ?

Il faut faire attention à la confusion. Lorsque le FMI et la Banque mondiale ont pu intervenir par le passé dans certains pays c’est justement parce qu’ils étaient déjà en faillite ou proche de l’être. Par exemple, dans les années 70, beaucoup d’États africains avaient fondé leur politique de développement sur la hausse des matières premières dont ils étaient producteurs comme le cacao, le pétrole ou le coton… Seulement, au début des années 80, il y a eu un retournement de situation et les cours de ces matières se sont effondrés. Les États endettés ont alors appelé à la rescousse le FMI et la Banque mondiale.

On a donc finalement une mauvaise image du FMI et de la Banque mondiale alors que leurs actions seraient positives ?

C’est plus compliqué que ça en fait. S’il n’est pas correct de faire porter la responsabilité de la faillite des États sur le dos des institutions financières internationales, celles-ci ne sont pas pour autant exemptes de tous reproches. Si elles n’ont pas causé les faillites, elles ont pu néanmoins participer parfois à les aggraver. Dans son ouvrage de 2012 intitulé « La grande désillusion », l’ancien prix Nobel d’économie et ancien chef économiste de la Banque mondiale Joseph Stiglitz affirmait ainsi que s’il ne fait pas de doute qu’une certaine souffrance était inévitable, celle qu’ont subie les pays en développement avait vraisemblablement été de loin supérieure au nécessaire.

Les programmes imposés par le FMI et la Banque mondiale font parfois finalement plus de mal que de bien. De quelle manière ?

S’il faut se garder de tout jugement hâtif ou caricatural, on doit concéder que certaines critiques qui ont été formulées à l’égard du FMI et de la Banque mondiale ne sont pas dénuées de fondement. Les mesures qui étaient imposées aux États l’étaient de manière indifférenciée, sans tenir nécessairement compte de leur diversité. Les politiques de libéralisation économique ont été menées de manière insuffisamment concertée. Et les programmes d’ajustements structurels se sont accompagnés de cures drastiques en matière de dépense publique, obligeant notamment des coupes importantes dans les dépenses sociales.

Pour conclure, on peut dire finalement que le FMI et la Banque mondiale ne sont certes pas responsables de la faillite des pays du Sud mais leur intervention a parfois aggravé ou en tout cas pas arrangé la situation.

Pour aller plus loin : Jean-Michel Severino & Jean-Michel Debrat, Idées reçues sur l’aide au développement, Le Cavalier Bleu, 2010.

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