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Comment va-t-on nourrir la population mondiale en 2050 ?

2,4 milliards d’êtres humains en plus sur terre en 2050. 795 millions de personnes souffrant déjà de sous-alimentation. Des solutions existent pourtant...

Sachant qu’il y a actuellement 795 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde, on peut légitimement se demander comment nous pourrons répondre aux besoins alimentaires des 9,6 milliards d’habitants qui sont prévus pour 2050. N’allons-nous pas atteindre le point ultime que l’économiste anglais Robert Malthus prophétisait déjà au XIXe siècle où « l’accroissement de la population se heurte à une insuffisance des produits agricoles » ? Il semblerait que non. Des solutions existent. Voici quelques pistes…

En augmentant la production alimentaire

Si l’on en reste aux niveaux de vie actuels, il semblerait que l’on ne puisse pas faire l’impasse sur une importante augmentation de la production de denrées alimentaires. Tenant compte de la pression démographique et de la hausse progressive des revenus, un rapport de 2009 de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, explique ainsi qu’il faudra augmenter la production alimentaire de 70 % d’ici 2050 pour pouvoir répondre à la demande.

Pour y arriver, la première solution consiste assez naturellement à accroître les surfaces cultivables. Bien qu’elles soient inégalement réparties sur la planète, il y a là un vrai potentiel. Pour les plus optimistes, il y aurait en effet 2,5 milliards d’hectares de terres arables disponibles sans avoir à réduire les surfaces forestières. Pour les plus pessimistes, ce chiffre serait plutôt compris entre 500 millions et 1 milliard.

Mais plus encore, c’est au niveau de l’introduction des progrès techniques et scientifiques que des améliorations sont possibles. À l’occasion de la préparation du sommet mondial sur la sécurité alimentaire en 2009, la FAO indiquait ainsi que « 90 % des nouveaux besoins alimentaires à l’horizon 2050 seront satisfaits par des augmentations de rendement des terres actuellement cultivées », les 10 % restant devant provenir de l’extension des surfaces cultivées.

En changeant nos habitudes de consommation

Si une partie de la réponse est à trouver dans l’augmentation de la production alimentaire, un autre élément – difficile mais peut-être plus respectueux de l’environnement aussi – consisterait à modifier nos comportements individuels. En effet, comme le rappelle Olivier de Schutter, l’ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, « nous vivons dans un monde qui, si l’on gérait adéquatement nos ressources, pourrait nourrir pratiquement deux fois la population de la planète ».

Pour commencer, nous devrions peut-être accepter de revoir la part que les calories animales représentent dans notre alimentation. Les animaux qui sont élevés pour la consommation ont de grands besoins de céréales pour être nourri alors qu’une fois abattus, ils ne donnent que peu de matière à consommer en comparaison. Marc Dufumier, un agronome engagé et professeur émérite à Agroparistech, avance ainsi qu’« au Brésil, un hectare de terre peut nourrir cinquante végétariens, mais seulement deux carnivores ». Une autre alternative sinon serait de consommer davantage d’insectes car « il faut seulement deux kilos de végétaux pour produire un kilo d’insectes, alors qu’il faut huit kilos de végétaux pour produire un kilo de viande de boeuf ».

L’autre point sur lequel un changement de comportement serait profitable concerne les pertes et le gaspillage. Dans le monde, environ un tiers de la part comestible des aliments destinés à la consommation humaine est perdue ou gaspillée, que ce soit en début, en milieu ou en fin de chaîne alimentaire. Au total, ces différentes pertes représentent un gâchis de près de 1,3 milliard de tonnes de production alimentaire par an.

En étant vigilant à un certain nombre de défis

terre asséchéeSi l’augmentation de la production alimentaire et le changement de nos habitudes de consommation sont nécessaires pour pouvoir nourrir la population mondiale en 2050, il faut néanmoins avoir à l’esprit que la sécurité alimentaire ne sera pas automatiquement garantie pour autant. Un certain nombre de défis pourraient effectivement poser quelques problèmes dans les décennies qui viennent, à commencer par les effets néfastes des changements climatiques sur l’agriculture et la pêche.

Un autre enjeu est aussi à surveiller et est lié à ce qui est parfois qualifié de conflit pour l’usage du sol et qui réside dans le fait que chaque nouvelle terre disponible fait l’objet d’un arbitrage entre différents emplois. Les usages alimentaires des terres cultivables (food) se trouvent désormais concurrencés par d’autres usages : l’alimentation animale (feed), les agrocarburants (fuel) ou encore la préservation de la biodiversité (forest), avec le risque que cela comporte pour la production alimentaire. C’est ce que l’on appelle communément le problème des « 4F ».

Enfin, si le problème ne réside pas dans la disponibilité des ressources alimentaires qui semblent bel et bien exister, c’est au niveau de l’accessibilité à ces ressources qu’il va falloir être particulièrement vigilant. De nombreux pays continueront toujours d’avoir recours aux importations pour assurer l’approvisionnement alimentaire de leurs populations et il est alors nécessaire de limiter la volatilité des cours agricoles et de sécuriser les échanges agricoles.

Une mobilisation nécessaire

Le monde a donc les ressources et les technologies suffisantes pour pouvoir nourrir la population qui peuplera la terre d’ici 2050. Pour autant, cette prise de conscience doit désormais se traduire en volonté politique et en actions efficaces (individuelles et collectives) pour que soit assurée de façon pérenne la sécurité alimentaire mondiale.