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Idée reçue n°39 – « La pauvreté est la cause principale du terrorisme. »

Chaque semaine, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident... ne l'est peut-être pas !

Tout au long de l’année, le SEL décrypte une idée reçue sur le développement et la pauvreté. Ce que vous pensiez évident… ne l’est peut-être pas ! Chaque jeudi matin, retrouvez ici cette chronique radio réalisée en collaboration avec Radio Arc-en-Ciel.

Gwladys (Radio Arc-en-Ciel) : « Terrorisme ». Ça a sans doute été l’un des mots les plus utilisés dans les médias en 2015 en France. Et après l’effroi des tragiques événements, le débat s’est centré sur les causes de ces actes. Est-ce que l’on peut en rappeler la teneur ?

Nicolas (SEL) : Suite aux attentats de Paris du 13 novembre, le premier ministre Manuel Valls a exprimé sa défiance envers l’analyse sociale et culturelle de la violence terroriste en affirmant – je cite – qu’« expliquer le jihadisme, c’est déjà vouloir un peu excuser ». De nombreux sociologues se sont alors élevés contre cette position en argumentant que l’on peut chercher à comprendre quelque chose sans pour autant le justifier. Et qu’il est même nécessaire de s’interroger sur les racines du terrorisme, notamment si l’on veut pouvoir s’y opposer.

Pour certains, la pauvreté serait la cause principale du terrorisme. Qu’en penser ?

Effectivement, certaines personnes défendent cette idée. Elles justifient alors leur position en expliquant que les terroristes qui passent à l’acte en Occident sont souvent des personnes qui sont en marge de la société. Ou elles prennent aussi l’exemple que les zones qui sont contrôlées par des jihadistes sont des territoires bien souvent marqués par l’instabilité et la pauvreté. Ce sont des arguments qui sont intéressants mais il faut sûrement être un peu plus nuancé. La réalité est plus complexe. Des études ont ainsi montré que les pirates de l’air du 11 septembre venaient de milieux aisés, tout comme Ben Laden.

Faut-il aller jusqu’à dire que la pauvreté n’aurait aucun lien avec le terrorisme ?

Pas à ce point. L’idée est plus de dire que la pauvreté ne saurait à elle-seule expliquer le terrorisme. Il y a une vraie dimension idéologique derrière le passage à l’acte et c’est ce qui reste déterminant. Sachant aussi que le terrorisme ne peut pas non plus être réduit au seul jihadisme qui en est l’expression actuelle la plus célèbre si on peut dire. La pauvreté est plus un terreau sur lequel va pouvoir prospérer le terrorisme. Le président du Niger, Mahamadou Issoufou, parle ainsi de la pauvreté comme d’un « allié principal » lorsqu’il évoque la situation de Boko Haram.

En ce sens, est-ce qu’il est juste de dire que la guerre ne peut pas à elle seule tout résoudre ?

Oui. Si la pauvreté n’est pas la cause principale du terrorisme, il n’empêche que le développement ne peut être éludé dans la réponse que l’on apporte à cette problématique. Le 20 janvier 2016, le chef d’état-major des armées françaises, le général de Villiers, est ainsi allé dans ce sens lorsqu’il soulignait dans une tribune je cite : 

« une stratégie basée sur les seuls effets militaires ne pourra jamais agir sur les racines de la violence lorsqu’elles s’ancrent dans le manque d’espoir, d’éducation, de justice, de développement, de gouvernance, de considération ».

Le président du Niger ne disait pas autre chose quand il déclarait qu’« à court terme, la réponse est forcément sécuritaire, mais à long terme elle est économique et sociale. »

Est-ce qu’il y a des actions concrètes qui sont mises en place à ce niveau ?

À l’échelle étatique, les agences de sécurité en ont progressivement pris conscience et, dans une certaine mesure, en France, le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale de 2013 en rend compte. On y retrouve, en effet, l’idée que l’aide au développement doit être pour partie dirigée vers les États fragiles afin d’éviter l’apparition de foyers de crise. Certains parlent aussi de faire de l’aide au développement un outil de lutte contre le terrorisme comme le Plan Marshall pouvait l’être pour la lutte contre le communisme…

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